Partir du réel pour glisser vers la fiction.
Partir du singulier pour glisser vers l’universel.
Chercher les tensions, sentir que l’équilibre que nous trouvons pour vivre ensemble, ici et maintenant, est fragile, incertain mais précieux.
Invitée en résidence à Plounéour-Ménez en 2020, Anne Desplantez, dont le travail est basé sur l’échange, est allée vers les habitants des monts d’Arrée, carnet, appareil photo et dictaphone en main, ne s’imposant jamais et suscitant la confiance, permettant ce qu’elle aime appeler de la création partagée, chacun participant à sa façon, donnant ce qui lui semble important, un souvenir, une image, une voix.
Ici, c’est la force de la nature renvoyant à la fragilité humaine qu’elle a reconnue, et les liens invisibles qui unissent les uns aux autres. « Je recherche les tensions qui nous font sentir que l’équilibre que nous trouvons pour vivre ensemble est fragile, incertain mais précieux. » Et ce qu’elle sent ici, c’est ce qui précède peut-être cet équilibre, quelque chose de l’ordre de la bascule, un choix ou une décision, un geste, un acte volontaire ou juste évident, ou encore quelque chose d’indicible, plus diffus, mais qui fait l’histoire de chacun. Qui commencerait par une nuit blanche, parce que quelque chose a lieu, là, de profond et déterminant, absolu même si commun.
Entre photographies et « confidences » des uns et des autres, adolescents, couples, femmes et hommes de tous horizons, de toutes générations, des histoires intimes sont révélées, et aussitôt suspendues : on n’en saura pas plus que quelques bribes, juste assez pour sentir ces basculements plus ou moins francs, douloureux ou heureux, un déménagement subit, un soir d’été entre deux âges, une nuit, un jour… Des allers-retours se créent entre les pages, par les mots et par les images, un arbre penché dans la lande, des volets aux fenêtres…
Il y a des visages, des corps dont la banalité ou la posture interroge. Des enlacements, beaucoup de tendresse. Des routes, des arbres, des maisons, quelques bêtes, des ciels, des ombres, un clocher, de l’eau, un trampoline, une robe de mariée. La voix de la photographe se mêle aux paroles retranscrites, à même hauteur — quelquefois on ne sait pas trop qui parle, quelquefois on ne sait pas trop d’où vient telle photo, quel détail, quel angle de vue.
À mi-chemin entre mise en scène et documentaire, c’est à une exploration en forme de fiction à laquelle nous convie Anne Desplantez, comme elle aime à les créer, une fiction ordinaire, du vivant.
Anne Desplantez
Anne Desplantez, née en 1973, vit et travaille à Toulouse. Après un doctorat en biomédical et une expérience de huit ans en tant qu’ingénieure aéronautique chez Airbus à Toulouse, elle fait un virage à 100 % en 2009 pour se former en photographie, pratique qu’elle exerce aujourd’hui exclusivement.
Depuis 2010, elle a multiplié les expositions ou projections de son travail et réalise de nombreuses médiations culturelles dans la région de Toulouse auprès de publics variés, en menant des projets de création partagée.
Suite à une résidence dans le territoire du Couserans (Ariège), son premier livre, Tu connais ses silences, a été publié en 2019 aux éditions Photopaper.
Son second livre, La première nuit est toujours blanche a été publié aux éditions Isabelle Sauvage en Octobre 2021.
http://www.anne-desplantez.fr