Au nord de Damas, dans une faille des Monts Qualamoun, le village de Maaloula présente une bizarrerie historique : ses habitants sont chrétiens - majoritairement - et musulmans et ils parlent encore l’araméen, plus précisément la branche palestinienne de cette ancienne langue, celle du Christ. Avec deux villages voisins, qui ne sont eux habités que par des musulmans, ils en sont les derniers locuteurs.
Cette langue y est une pratique mais aussi un enjeu.
Alors que la guerre fait rage ou menace dans plusieurs pays alentour, que les conflits sont de plus en plus présentés comme des affrontements confessionnels, Maaloula maintient une coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans. Chacun fait en sorte que le lien ancien ne soit pas brisé. Ce dans un pays où la police politique veille à l’harmonie.
C’est peut-être cet effort qui nous a intéressé, autant que la persistance d’une langue. Nous nous demandions ce qui se passait entre chrétiens et musulmans dans ce lieu sans heurts manifestes, comment les représentations passaient de maisons à maisons. Nous nous interrogions sur l’influence extérieure dans ce village, comme si Maaloula s’accrochait à la roche pour résister à tous les vents mauvais. Une étrange vierge en plastique veille sur Maaloula.
Nous sommes restés au village le temps de trois séjours, du printemps à l’hiver. Souvent il ne s’y passait rien, nous avions le temps, nous discutions. Durant le deuxième voyage il y eut la fête de la croix, excessive, enflammée et alcoolisée, qui fait la réputation du village dans les pays alentours. Nous nous sommes égarés dans ces ruelles, ce qui aurai pu être un sujet est devenu cadre, le récit documentaire a basculé vers la fiction, la photographie en noir et blanc a laissé venir la couleur.
En araméen, Maaloula signifie « Entrée ».
Christophe Dabitch |