Itinéraires des Photographes Voyageurs 2021. BordeauxPage Facebook
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Katrin JAKOBSEN
À la recherche
du mémoire perdu
Bibliothèque Pierre Veilletet/CAUDéRAN
Mardi et vendredi 10h > 12h - 14h > 18h
Mercredi et samedi 10h > 18h
Jeudi 14h > 18h
Place Eugène Gauthier, 33200 Bordeaux
accès en bus / Lianes 3, arrêt Pins-Francs et Lianes 2, arrêt Domion
Katrin Jakobsen

Un père membre des jeunesses hitlériennes. Trauma somme toute tristement banal d’une génération d’Allemands nés après la guerre. Et le drame intime d’une jeune-fille incapable de réconcilier figure paternelle et figure héroïque. Celui de Katrin Jakobsen.
Le non-dit destructeur, le mutisme buté du père qui jamais n’abordera ces années, le passé obstinément occulté, refoulé, à soi et aux autres, tabou indépassable qui empêchera de se parler et de se comprendre, peut-être même de se connaitre. Le point aveugle autour duquel s’ordonne le quotidien d’une famille et s’abîme, jour après jours, une jeunesse.
Et puis le carnet à la couverture de cuir rouge, gravée des chiffres de l’année 1945. Ce carnet qui consigne les cinq mois d’errance du jeune-homme d’alors, dix-huit ans à peine, fuyant le front de l’Est et l’avancée de l’armée russe après la capitulation allemande. Ce carnet découvert à la mort de son père, non par Katrin Jakobsen, mais par son fils, au même âge que son grand-père quand il l’a rédigé. Comme si, symboliquement, devait être sautée une génération pour que la transmission puisse enfin s’enclencher. Comme si son récipiendaire ne pouvait être qu’un double, vierge des dérives du passé.
On imagine avec quelle ferveur Katrin Jakobsen a déchiffré les pattes de mouche dont l’encre en bleuit les pages. On conçoit aussi sa déception face à un récit seulement factuel, qui n’apporte aucune des réponses tant attendues, derrière lequel, une nouvelle fois, se masque la mémoire dérobée.
Alors nait le projet de la série In search of the lost memory. Refaire le voyage. Mettre les pas dans ceux de son père et photographier chaque étape que mentionne le carnet, moderne interprétation de ces chemins de croix des peintres de la Renaissance. Car c’est bien de renaissance qu’il s’agit ici, celle d’un père à ressusciter d’entre les mots, et celle d’une fille qui se réapproprie sa filiation.
Après des années de recherches pour identifier les lieux évoqués, le protocole se met en place, avec la précision et la rigueur qui caractérisent le travail exigeant de Katrin Jakobsen : une image pour chacun d’entre eux, avec en dessous la date et le texte du carnet associés à l’endroit photographié. Et sous les mots du père, la réponse de la fille, à des années de distance, nouant ainsi par-delà le temps ce dialogue qui lui a tant fait défaut.
C’est donc bien par une itinérance, à la fois intérieure et extérieure, dans l’espace et dans le temps, que s’affirment l’origine, l’objet et sans doute le sens de cette série photographique, dont la gravité très maîtrisée du propos s’accompagne d’une sensibilité tout en pudeur. Voyage paradoxal, dont chaque étape rapproche la fille de ce père méconnu qu’elle fait revivre pour, une fois le parcours achevé, accepter le deuil et la disparition définitive de celui qu’elle venait enfin de retrouver.
Qui ne voit donc pas que ce voyage linéaire qui reproduit et documente celui vécu du 7 mai au 7 octobre 1945, de Tisnov en République Tchèque jusqu’à la frontière autrichienne, se double d’un voyage circulaire, du père perdu, au père retrouvé et de nouveau perdu ? Cette circularité fournit la matrice même de l’œuvre et règle son fonctionnement sémiologique par la diversité des circulations qu’elle opère.
(...) C’est par ces différents itinéraires qu’organise la circularité du voyage proposé par le travail de Katrin Jakobsen, par les multiples permutations qu’il déploie, que cette série acquiert la densité de sens qui est la sienne. C’est à cette circulation infinie de la signification, toujours en mouvement, et toujours en définitive en suspens, voire en échec parce qu’elle ne se laisse jamais vraiment saisir, que fait écho le vers latin donné en titre à ce texte, palindrome qui exprime formellement le sens qu’il délivre, In girum imus nocte et consumimur igni, dont la traduction est ce qu’il me vient de plus juste pour dire ce que je comprends de ces photographies : Nous tournons en rond dans la nuit et sommes consumés par le feu.

Patrice Galiana

Katrin JAKOBSEN

Je suis née à Hambourg en Allemagne. Un jour au collège, le destin m’a emmenée dans une chambre noire abandonnée. Moi qui jusque-là n’avais pris des photos qu’avec des appareils « prêts à emploi », empruntais aussitôt une caméra argentique, des livres, je quémandais des outils et des produits chimiques pour me catapulter dans l’univers magique de la photographie. J’ai tout de suite ressenti l’impact que peut avoir ce medium.
Depuis, mon objectif n’a pas changé : j’espère pouvoir toucher les gens, leur montrer des choses qu’ils ne voient pas, qu’ils ne veulent pas voir, imprégner des images fantômes sur leurs rétines.
Pourtant je suis passée par des étapes très différentes. D’abord en tant qu’ assistante du photographe de l’Opéra de Berlin, puis en faisant des études de photographie à Berlin et à New York pour enfin, lors d’un séjour de deux ans en Suède, commencer à travailler comme photographe indépendant pour la presse scandinave. Au fil du temps, j’ai publié plusieurs livres et exposé mon travail dans des galeries, notamment en Allemagne, en France et en Suède.
Aujourd’hui je vis et travaille entre Paris, Hambourg et la Scandinavie. En 2006, en reportage pour l’édition suédoise du magazine Elle sur le travail de l’UNICEF au Cambodge et en Thaïlande, je me suis trouvée soudainement confrontée à un tout autre thème : le calvaire des enfants violés par les touristes du sexe. Une situation qu’il m’a semblée impossible de photographier. Cette prise de conscience a changé pour toujours ma façon d’être photographe.

https://www.katrinjakobsen.com/

Katrin Jakobsen
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