Photographe de formation, Elena Peinado a aussi réalisé des études en psychologie et fait de longues recherches autour du mouvement, de la respiration et de la danse dans l’environnement et la nature aux côtés du danseur et chorésophe Michel Raji pendant de nombreuses années. De ce fait, ces pratiques marqueront particulièrement sa quête photographique.
Ses dernières séries, EMouVoir le Paysage et Ad Tardis Scere, sont le résultat de 6 années de travail consacrées à l’observation - contemplation de la nature et à comprendre la relation mystérieuse qui la lie à l’homme. L’artiste espagnole, qui réside dans la Nouvelle- Aquitaine, a parcouru essentiellement les forêts du Parc Naturel des Landes ainsi que la forêt d’Iraty, entre la Basse-Navarre, du côté français et la Navarre du côté espagnol, pour explorer les mouvements, tantôt rapides, ou au contraire imperceptibles, de la nature.
Pour elle, photographier le paysage, et l’arbre en particulier, signifie explorer ses états introspectifs et traduire en images l’expérience corporelle, sensible et mentale de ses immersions dans les bois. Attirée par le silence des paysages solitaires elle cherche la lumière à la tombée du jour, aux limites de la nuit, des espaces crépusculaires, indéfinissables et mystérieux, et tente ainsi de saisir la fugacité de l’instant et les sensations éprouvées.

« Questionner le paysage sur sa vérité, comprendre quelque chose en lui que je sens aussi en moi. Ce n’est pas représenter mais pénétrer dans son essence au-delà des formes que je vois. Le paysage devient le miroir des mes propres états. L’appareil photo saisit ce que je sens… Ne serait-ce pas aussi la nature qui me parle de ses émotions? »

Mêlant spontanéité et expérimentation technique, des longues poses et du mouvement à la prise de vues, Elena Peinado se sert de son appareil photographique comme d’un pinceau, pour faire surgir dans l’espace d’exposition le bruissement du paysage.
Pour elle, le choix des papiers artisanaux est important à l’heure de l’impression, la présence d’une texture quasi granuleuse de ces papiers, souvent épais, ajoute aussi de la matière, du volume et de la profondeur à l’image. L’ensemble évoque la peinture, souvent proche de l’abstraction, par des touches lumineuses et des harmonies colorées, ou des noirs profonds et veloutés dignes des peintres classiques, allant jusqu’à faire appel au dessin et à la gravure, quand la couleur laisse place à un jeu de lignes sépias. A mi chemin entre représentation et disparition, entre rêve et réalité, les photographies floues et vibrantes d’Elena Peinado révèlent l’écoulement du temps et l’aspect transitoire des choses, comme des vanités contemporaines traduisant avec poésie l’éphémère beauté de la vie.

Erika Breton
Historienne de l’art spécialisée en art contemporain

Elena Peinado

Elena Peinado Nevado est née dans le Sud de l’Espagne, à Granada, où elle a passé son enfance et suivit ses études.
Elle obtient un Master en Psychologie à l’Université de Granada en 2000, puis un diplôme en photographie artistique à L’École d’Arts de Granada en 2003. En 2004, elle s’installe dans le Sud-Ouest de la France, où elle vit et travaille actuellement.
Dès ses premiers travaux photographiques, Elena Peinado manifeste la recherche incessante d’une vision propre, en expérimentant différents procédés techniques. Du travail argentique en noir et blanc, dans lequel elle utilise des pellicules très contrastées comme la Technical Pan, des procédés de développement forcés, du papier lith, des cibachromes, des pellicules infrarouges couleur et noir et blanc, des procédés de développement inversés, voire même l’usage de pellicules expirées ; jusqu’à ses plus récentes photographies numériques qui étudient le mouvement au moment de la prise de vue.
Dans la photographie d’Elena Peinado Nevado, le monde oscille entre le rêve et la réalité, entre la netteté et la perte de mise au point, entre le mouvement et la quiétude, comme dans une hésitation du temps et de l’espace. Ses images parlent autant de la beauté que de la disparition, du mystère de l’instant, que de la lente et inévitable transformation et décomposition du monde. Quelle que soit la période, ses images révèlent une sorte de réalisme imaginaire, plus caractéristique de la peinture que de la photographie, nous rapprochant ainsi du rêve romantique et de la nostalgie.
Après des années d’études et de recherches personnelles à travers le mouvement, la danse, le corps et surtout la respiration auprès du chorésophe Michel Raji, elle a repris la photographie dans un dialogue intime et immédiat avec le paysage, en allant dans la nature pour s’inspirer de sa façon d’être et apprendre à voir son silence et sa poésie. De là sont nés ses travaux les plus récents : El Paisaje ConMovido (EMouVoir le Paysage) et Ad Tardis Scere.

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