« Au moment où, en 1978, je suis devenu photojournaliste, l’Espagne a connu simultanément différentes transformations sociales et culturelles, en commençant par la récupération des libertés et la légalisation des partis politiques et des syndicats. Ces images permettent de se remémorer cette époque de changements. »
Benito Román.

Les photographies de Benito Román sont le véritable portrait d’une décennie prodigieuse au cours de laquelle les Espagnols ont découvert la foi en eux. L’instrument politique fut la promulgation de la loi des lois : la Constitution, qui, même avec des points de vue d’acceptation différents constitue le véritable agglutinant d’une société avide d’harmonie dans le nouvel horizon politique.

Dans le devenir historique du siècle passé, il est difficile de trouver une époque aussi abondante en changements sociaux, économiques et politiques. Ces évènements ont fait passer, de façon surprenante, une époque de sombre dictature en une période pleine de lumière, et d’émotions démocratiques et festives.

À cette époque, le photojournaliste Benito Román s’évertuait à capter chaque jour des faits, apparemment sans intérêt, sans rapport avec les unes des journaux, mais qui, au fil du temps, sont devenus le meilleur témoignage graphique du changement sociopolitique de l’Espagne.

Les images que ce témoin a réalisées entre les années 1975 et 1985 distillent l´émotion que le passage du temps attribue à tout document graphique obtenu de façon honnête, loin de toute action artistique.

Ce sont précisément ces caractéristiques qui permettent de réfléchir, comme un miroir, sur la réalité d’une époque relativement récente qui nous semble maintenant incroyablement lointaine, mais qui contient la trace de tout ce que nous avons été et ce que nous sommes aujourd’hui. Le portrait de ces années s’appuie sur des instantanées d’acteurs politiques, économiques et culturels qui ont contribué au changement de cette période. Ces visages, vus aujourd’hui, semblent prédire le changement politique auquel ils ont contribué. C’est tout l’art du regard du photographe, de son intuition et de l’instinct de Benito Román.

Le portrait de ces années est un parcours dans une ville, Madrid, reflet de toutes les Espagnes, où s’agglutinent des bidonvilles et des gratte-ciel, des syndicalistes et des patrons, des libertaires et des ringards, des religieux et des athées, des intellectuels et des porte-paroles, des héros et des scélérats, des artisans et des artistes, qui à la lumière du temps écoulé, nous semblent fragiles, innocents, aimables et émouvants.

Avec notre recul, la tension dans laquelle se sont réglées les différences se retrouve atténuée. Mais il n’en demeure pas moins que l’on puisse constater l’importance du travail des protagonistes d’une transition compliquée qui a apporté à notre société un énorme changement et ce, malgré les énormes différences idéologiques du début. Une mise en valeur de la politique qui gère avec magnanimité les collectivités qui ont contribué à l´élaboration de la Constitution, et une reconnaissance de la formule écrite qui a permis un progrès socio-économique évident souvent oublié dans le feu de l’immédiateté du quotidien.
Chema Conesa. Commissaire de l’exposition

Benito ROMÁN

Photojournaliste espagnol. Il a étudié la photographie à l’Ecole d’Arts Appliqués de Madrid. Il publie ses premières œuvres dans le magazine sportif La Palestra et dans ANUE, publication de l’Association Nationale d’étudiants universitaires Espagnols. À partir de 1973, il collabore avec les magazines Triunfo et Hermano Lobo, pour lesquels il réalise des photomontages sous le pseudonyme de Beno. En 1974, il s’installe temporairement à Paris et est engagé par l’agence Sipa Press. Il a été collaborateur de Opinión (1976-77), Reporter (1977-78), Gaceta Ilustrada, Líbera, Posible, La Calle et bien d’autres. En septembre 1978, il est chargé de la section photographie d’El Periódico de Madrid et en juillet 1979, il rejoint la rédaction du magazine Dinero en tant que photographe en chef (1979-1983).
Depuis, il travaille comme photographe indépendant pour l’agence Cover and Contact, ainsi que pour les publications El País, El Mundo, Interviú, Muy interesante, Época, Panorama, Bauer, Euromoney, Newsweek et Hueber Verlag, et dans le secteur de l’édition pour Argos Vergara, Salvat, Santillana, Planeta, Plaza y Janés et Espasa. Il a publié des textes sur la photographie dans les revues spécialisées Flash et Nueva Lente entre 1978 et 1980.

www.benitoroman.com