Ces photographies ont été réalisées sur un camp longtemps occupé par des familles Roms, quelques heures après la démolition de toutes leurs habitations, et avant disparition totale. Ici, pas de représentation de l’immeuble dynamité, en plein eff ondrement. Pas de poétique de l’habitat qui vacille et qui questionne par sa vulnérabilité. Il est trop tard, la mise à mort est déjà consommée, sans combat. À jeu inégal pas de lutte possible. Seules subsistent pour une dernière nuit les carcasses des cabanes désossées et méconnaissables, laissant à peine entrevoir, défi gurés, quelques objets familiers témoins d’une histoire qui, dans quelques heures, n’aura jamais eu lieu. Images d’une destruction annoncée. 7 juillet 2010. Dernières nouvelles des choses. Quelque temps auparavant s’était joué un énième épisode de délocalisation. Celle-ci ne semble pas encore achevée qu’un nouvel acte se joue déjà, en d’autre lieu. Rassurons-nous, ce mouvement de dispersion et cette tentative de désolidarisation ne compteront pas plus que les autres ; c’est la répétition qui marque les esprits. Ce qui perdure et caractérise aujourd’hui les Roms, bien plus qu’un nomadisme incessant, est cette capacité au voyage ; un minimalisme des besoins doublé d’une faculté à se remobiliser collectivement, à se reconstruire ailleurs pour préserver ses intérêts les plus élémentaires. Néanmoins, elle est loin l’image poétique du tzigane qui vit librement, itinérant à la belle saison, exclusivement dévoué à sa communauté dont il protège en permanence les secrets. Cette époque vécue et décrite par Jan Yoors n’est plus. Au rythme de la modernisation et des transformations sociales, les raisons et apparences de la mobilité ont changé. Mais nous ne savons pas y lire les signes laissés par ces familles, au fi l des dernières générations, de leurs désirs de reconnaissance et d’assimilation, en réponse à un besoin de sécurité. Le royaume de l’uniformisation - où principes d’urgence et actions réfl exes dominent pour entretenir la grande peur - force la trajectoire des communautés insoumises mais, lui, reste infl exible.
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