La photographie me permet d’échapper à l’événement.
Je porte mon regard sur son contrechamp, sur ce qui demeure généralement invisible dans le langage médiatique : le non-instantané, l’anti-scoop, le non scandaleux.
Depuis 2012, mes réflexions se portent sur les espaces d’habitation. Par quel moyen chacun réussit-il à investir et à rendre vivable ces espaces ?
Mon travail d’investigation et d’immersion sur la représentation de ces espaces, choisis ou subis par des populations vivant dans des environnements quelques fois hostiles, s’articule autour de l’image photographiée et filmée. Je cherche à m’intégrer au sein de communautés traditionnellement mises à l’écart, d’individus qui s’isolent ou se regroupent la ou ils peuvent trouver des repères.
Pour ce travail, j’ai voulu vivre avec celles qui n’ont pas d’autres choix que de rester enfermées dans un engrenage de violence qui leur échappe.
Il me fallait prélever ces instants où cette partie de la vie, qui subsiste malgré tout, se manifeste.
Je cherche à donner à voir cette force latente, persistante, à montrer les aspect que peut prendre la vie lorsque la violence s’est banalisée au point que chacun se soit adapté à elle.
Ces images ont été réalisées à Bab el Tebanneh, un quartier de Tripoli où les Libanais ne vont pas. Depuis plus de trente ans, des tensions éclatent, régulièrement, entre les combattants du quartier à majorité sunnite et les snipers perchés sur la colline d’en face, Jabal Mohsen, le quartier à majorité alaouite. La vie des femmes et des enfants se faufile entre les rafales de balles, et lorsqu’on demande à Saloua, assise entre les fusils de son mari, le sexe de son future enfant, elle avoue espérer que ce sera une fille.
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