Cette série prend son origine dans la lecture de deux livres : celui de Pierre Michon, Le Roi du bois et le Coupable de Georges Bataille. Ces deux ouvrages m’ont conduite au Rameau d’or de James Georges Frazer. Si cette étude peut être contestée d’un point de vue ethnologique, il est indéniable que les recherches de Frazer ont irradié la littérature du XXème ; il inspire à William Faulkner son Sanctuaire, la société secrète Acéphale à Georges Bataille... Aussi Pierre Michon, dans une langue sinueuse et sublime, nous décrit l’apparition miraculeuse (mystique ?) d’une femme en robe bleu du ciel arrêtant son carrosse dans une forêt pour satisfaire une envie naturelle sous les yeux d’un jeune pâtre qui en fut à tout jamais bouleversé. L’action se passe à Némi, près de Rome, là où en 1834, Turner avait peint son Golden Bough . Dès lors je n’ai eu de cesse de vouloir, quand plantée face à bosquet, dans un bois, une clairière, mon Nikon à la main et dans l’espoir de voir — moi aussi — débouler un carrosse et la beauté qui en sortit —, de vouloir retranscrire l’émotion qu’avait pu me procurer la lecture de ces ouvrages, de le fixer et de maintenir dans l’éclat, la subversion de cette scène.
C’est ainsi, qu’à la recherche du «Roi du bois», figure antique et littéraire, une suite de «paysages minuscules», de «paysages minutieux», un herbier de lieux-dits, de lieux-«tus», s’est composée — une suite de miniatures photographiques et de dessins tentant de capter on ne sait quelle lointaine clarté, conservée dans le fantasme qu’un simple regard pourrait en réactiver la magie, l’odeur, la profondeur. Elle constitue le chapitre 2, d’une série nommée Au Roi du bois. Cette quête peut ressembler à une campagne archéologique dont le projet consisterait à fouiller le réel pour y retrouver la fiction, une «fiction» ouverte, indéterminée et changeante qui suggère le mystère, tente l’éblouissement, l’épiphanie.
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