CE PROJET A REÇU LE SOUTIEN DE LA DRAC RHÔNE-ALPES DANS LE CADRE DE L'AIDE À LA CRÉATION INDIVIDUELLE
Le titre La Vie dangereuse est emprunté à l'oeuvre éponyme de Blaise Cendrars. La série poursuit de manière arbitraire le rythme même du parcours d’aventurier de l'écrivain - l'espace littéraire ici lié aux césures géographiques, la déliquescence du sauvage tenue aux soubresauts de la mémoire.
Le propos n'est pas d'illustrer la nouvelle J'ai saigné, mais de faire se rencontrer la fi ction et l'autobiographie créant de ce fait une géographie blanche logée en creux d'une temporalité trouble. Ces close-up sont comme les fulgurances subliminales d'un homme en proie aux délires provoqués par la fi èvre. La course folle que j'invente, celle d'un soldat bléssé de 1915, est confrontée à la rémanence de mes souvenirs lacunaires. Le récit d'errances impossibles et anachroniques intriqué aux éclats d'une généalogie morcelée. Images traumatiques, scènes primitives, beautés tragiques, entrevues dans les stases d'un état second, lorsque le corps est chevillé aux hallucinations de la douleur. Survivance d'une mémoire reptilienne qui surnagent pardelà les tréfonds, repoussée aux confi ns de la vie, dans un lieu suspendu - celui des limbes, en somme.
Ici, il est question de touff eur viciée puis de glace, de danger proche de l'éblouissement, d'une mer boueuse laissant place à la menace de l'animal. Dans le même élan, la puissance d'un feu se dérobe à celle d'une jungle sourde. Quelques montres à gousset, dont le cours du temps est suspendu par la chaleur d'un incendie, font écho aux fragments de voiture brûlée, échouée au hasard d'une île. Une violence tue où la beauté grave fait se côtoyer constamment un univers de fi n du monde à celui du commencement. Mon travail s'inscrit dans une nature habitée et vivace, recouverte de tâches aveugles, faite de pulsion et de répression, de poursuite et de heurt, d'exaltation et d'épuisement, de crime et de rédemption, de vengeance et de pardon. Devant le surgissement d'une telle étrangeté, on est encore chez soi ou perdu au milieu de nulle part, remontant le cours d'un fl euve caché, tel un nouveau Fitzcarraldo. Ces photographies sont alors l'expression des débords de la vie - plutôt celle d'une soif de vivre qui sait prendre le risque de l'ivresse - celle des liqueurs fortes.
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