2°20 est la longitude du méridien de Paris. Ce méridien qui était autrefois la référence des navigateurs français, a servi à la détermination exacte de la longueur du « mètre étalon»*. Il a été abandonné comme base de mesure universelle au profi t du méridien de Greenwich en 1884. C’est en l’an 2000 qu’il a été remis à l’honneur avec la méridienne verte imaginée par Paul Chemetov : Un pique-nique géant le 14 juillet 2000, et des arbres plantés tout le long devaient permettre de le voir depuis l’espace. Suprême reconnaissance et voeu pieux. La plupart des arbres n’ont pas survécu, et la méridienne est retombée en oubli, si on excepte ces panneaux plantés le long de nos routes, qui eux, n’ont pas eu besoin d’être arrosés.
L’espace d’un été, je suis devenu photographe, voyageur et cycliste, à la rencontre de cette France du milieu. Un voyage de près de 1800 km sur cet axe Nord-Sud pour se confronter à un monde réel, sans fard, en toute simplicité, à travers 8 régions, 20 départements, 337 communes. Un voyage pour partir à la rencontre d’une France que l’on ne connaît plus, loin des cartes postales et des représentations médiatiques. J’ai choisi de photographier la France ordinaire, la France des petits riens, sans a priori, sans préparation. La découverte du regard, le jeu des rencontres, comme seul guide. Je n’aurai même pas le loisir de choisir mes lumières, de les attendre patiemment. La route et le ciel guideront mes instincts de photographe. Un réapprentissage du regard. Car a priori, il n’y a rien à photographier, rien qui ne vaille la peine d’être photographié, ou peut-être tout, au contraire.
Pourquoi le vélo ? Il est à la fois l’éloge de la lenteur et un moyen écologique de se déplacer. Si notre société nous oblige à « produire » et à vivre de plus en plus rapidement, jusqu’à la frénésie, les photographies de 2°20 se présentent comme des espaces de pause. Lorsque l’on est sur son vélo, on n’est plus photographe, mais avant tout un voyageur qui ressent dans sa chair, dans ses muscles, le froid, le chaud, la pluie, le vent, le relief, la douleur, l’usure des kilomètres. Il y a une confrontation physique avec la géographie, le relief, le climat... . L’eff ort et la lenteur permettent de porter un regard différent. Ce mode déplacement, non agressif, permet la rencontre. Le cycliste devient vite sujet de curiosité, même si au départ, ce sont toujours les mêmes questions qui surgissent. D’où venez-vous, où allez vous ? Au fi nal, les mêmes que dans la vie : Quel est votre parcours, quels sont vos projets ? Il faut prendre un peu de temps pour échapper à cette vision réductrice de l’être humain, pour découvrir sa richesse par d’autres détours… »
L’ensemble du travail est réalisé au moyen format selon un protocole établi. Rouler et photographier chaque jour, quelle que soit l’envie, l’inspiration, comme un travail répétitif, une ascèse. Une seule prise de vue à chaque fois, réalisée sur trépied. Des prises de vue frontales, des personnages photographiés de face, comme s’ils étaient spectateurs du vélo qui passe, sans aucune mise en scène, un peu comme une photo de famille. Les hommes et les femmes dans leur environnement, avec un plan large, beaucoup de vide autour, comme si malgré les facilités de communications, nous étions condamnés à la solitude.
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